Au Café du Commerce, un talent toulousain (1)
La scène se passait dans un Café du Commerce parisien. On se parlait. De tout et de rien. Des intermittences du monde du spectacle. De la vie chère. C’était de la dialectique de comptoir. Elle en vaut d'autres. A tour de rôle, on jugeait le monde et les déceptions qu'il fait naître. Et alimente. Sous-jacente, la tendresse devenait l'instrument de travail, la clé qui ouvre des perspectives sur soi et le non-soi.
Les petits verres au cul carré défilèrent. Nul ne les comptait plus. En virant à l’or pâle, la nuit épuisa les fraternelles tournées de gnôle. Le ton monta. Des amitiés de tournage se dénouèrent puis se renouèrent. Quelques-uns partaient, indécis de trajet. Seuls. A deux. D’autres venaient qui criaient presque :
« Et Signoret ?
- Un four !
- Ali Kazan ?
- Trois pelés dans la salle. On a du rembourser.
- La Bénouville au moins…
- Elle crie qu’on l'homicide. Un complot. Des judéoquelquechose.
- Encore ?
Taquin, le père Tacron offrait son jaja infâme mais nécessaire. Il vantait un jeune de Toulouse que le train nous avait jeté tantôt sur l’asphalte de la ville capitale et dans les pattes. « Une voix ! Mais une voix ! Et des textes ! Ah, les enfants, c’est que ça vous prend là, tout en bas, puis en remontant on dirait un vertige énorme qui vous met la main dessus. » Dans son dos, ruinant ses effets, la mère Tacron, l’air narquois, de l’index se frappait la tempe. Toc, toc, toc. Dans les miroirs rien n'échappait au patron tout à la joie de sa découverte lyrique. Vous verrez, il percera, disait-il en substance.
(A Suivre)
© Jean Weber
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