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Affichage des articles du novembre, 2022

Au Café du Commerce, l'histoire de l'enfant qui s'ennuie (9)

  Au Café du Commerce, on s'est échangé un soir nos souvenirs d'enfance. Des vrais et des pas tout à fait vrais. Quand on parle de ses jeunes années, la victime c'est la vérité. Un peu gris, je me suis lancé dans une histoire compliquée. Pour faire le beau. Si je m'en suis (à peu près) sorti, c'est parce que la journée avait été dure pour tout le monde et que le niveau d'exigence se situait bien plus bas qu'à l'ordinaire. Il y a des moments comme ça où  (à peu près) tout vous réussit. Même le récit arrangé d'un enfant qui s'ennuie dans sa chambre, un jour de pluie au Pays basque : Il pleut. Le vent secoue le pays de Bidache et dans sa chambre Mattin s’ennuie. D’une petite voix plaintive, il dit à sa mère venue voir ce qu’il fait : « J’sais pas quoi faire ! Qu’est-ce que j’peux faire ? J’m’embête ! J’m’embête trop, si tu veux savoir ! » - Allons Mattin, tu as des jouets en pagaille. Des livres aussi. On ne s’ennuie pas à ton âge quand on a de quoi...

Au Café du Commerce, me voici seul sur terre (8)

Ermenonville, l’automne dépouille les bois. Le paysage est beau comme un songe le soir entre chien et loup. Au pied des collines revêtues de fougères, un lac gris tend au ciel pommelé son miroir. Rêvait naguère sur sa rive le promeneur solitaire. Seul sur la terre. Ni ami, ni frère. L’âme en apesanteur. Son livre chaque soir m’accompagne à présent sur le chemin familier de ma quête de sommeil. Dans le clair-obscur d’un esprit qui se laisse glisser, j’aperçois la servante de Rousseau sur le seuil de sa porte. Elle ressemble à la nouvelle serveuse du Café du Commerce, brune à l'accent chaleureux du sud ouest. « Il est très malade mais il attendait votre visite. Entrez, monsieur ! » - Le mal m’accable. J’ai une sonde. Quand la douleur cesse, dit le philosophe, les chagrins et la tristesse prennent la relève. Tant de gens viennent me voir d’un peu partout pour que je les aide à être heureux. Quelle ironie… - Aider les autres, n’est-ce pas votre vocation.   Vous n...

Au Café du Commerce, du sang au Salon du Livre (7)

Il y a ce crie qui te cloue sur place  : « Marker, ils l’ont poignardé » ! Souffle coupé, tu ressens au plexus un grand choc. Le Salon du Livre porte de Versailles reste un moment tétanisé.  Ah, Jean Marker l’anarcho-alcoolique, le SDF littéraire, un condensé de colère populaire et d’insoumission permanente. Il vient de refuser la jolie breloque vert émeraude des Arts et des Lettres que Macron s’apprêtait à épingler sur sa veste de velours noir pour témoigner que tous les livres passés, présents et futurs ont et auront leur place sur les étagères hectométriques de sa bibliothèque ouverte d’esprit. De Marker, l’anticlérical et l’antimilitariste aux treize romans, tu as tout lu. Et ton copain anarcho-bouquiniste qui fréquente comme toi le Café du Commerce tôt le matin t’a même trouvé la photocopie (cornée, crasseuse et défraîchie) d’un de ses manuscrits refusé par plusieurs éditeurs prudents. Pur diamant nihiliste ! Manifeste des échecs en série ! Manu...

COMME UN AVERTISSEMENT

  Bonjour ! J’imagine. J’écris. Je relis et je valide. Vous lisez. Vous commentez. Bienveillants et constructifs comme vous savez l’être. Voilà, si vous l'acceptez, le contrat passé entre nous. Je ne fais la promotion de personne. Ma démarche n’est pas publicitaire. Je saute de thème en thème, de sujet en sujet. Que je fasse long ou court, ce que je fais est personnel. Je ne dis pas que je ne subis pas d’influence. Même vivant au Pays basque intérieur, le bruit du monde extérieur me parvient. Ses images aussi. Mon désir est de m’exprimer, mon plaisir de vous distraire. Si vous n’aimez pas la lecture, c’est raté. A chacun son vice ! Le mien est de chercher à échapper à l’uniformisation du monde. C’est dit ! Bidache, le 7 novembre 2022

Au Café du Commerce, la pendule a sonné six fois (6)

  Un beau jour, c'est le père Tacron qui s'y colle. On ne savait pas grand chose de son passé. Il boitait un peu. Pourquoi ? Total mystère ! Puis voilà que les murs du monde du silence se lézardent. Le moment des confidences est venu. Joli mois de mai fait fleurir les imprescriptibles souvenirs de guerre. " Je vais vous la raconter, moi, la fin des haricots " dit le patron, en s'asseyant dans l'arrière-salle un soir avec nous. Cela s'appelle se mettre à table. Le fier cognac est mobilisé. Écoutez donc :    Les boches ont abandonné la caserne en laissant tout dégueulasse derrière eux. Quand même, nous autres on fouille cette merde au cas où quelque sournois se serait planqué dans l’idée de nous allumer par derrière, en traitre, à la mitrailleuse. Parce que le cas s’est déjà produit. Cinq ou six camarades de la 2e section. Sciés à la MG 42 près de Remagen. Parmi eux, Amado et Faustino, deux anciens des Brigades internationales venus au Régiment de Ma...

Au Café du Commerce, session de rattrapage (5)

  Emma tous les vendredis vient déjeuner au Café du Commerce. Seule. Pourquoi le vendredi ? A cause du merlu à l’espagnole, un plat façon chef d’œuvre de la mère Tacron ? Allez savoir.    Après le repas, Emma traine. Stimulée par le droit de tous à la paresse, la mise à l’écart de la valeur travail, sa semaine se défait. Pigiste, elle tient à tenir à distance l’info qu’elle traite en semaine avec circonspection. Dans l’arrière-salle l’autre jour, Emma était en veine de confidence. A pas même 25 ans, elle nous aura prouvé qu’elle avait plus de souvenirs qu’un bon gros disque dur : « Je me rappelle mon premier rédacteur en chef, sa paternelle mise en garde. L’actualité mord. Sois toujours sur tes gardes ! Ne te laisse pas dévorer. Il faut garder le regard froid. Moi, son petit laïus je le trouvais incompréhensible. A toutes fins, j’acquiesçais. Intimidée, j’étais plutôt du genre docile. La parfaite stagiaire en charge de la machine à café. En réunion, je n’apportais guère d...